Son père n’est plus un inconnu
Son père n’est plus un inconnu. Son histoire aussi bouleversante qu’incroyable pourrait inspirer un film. Carolyn Pin, qui vit à Marennes, est née le 1er septembre 1959 de mère et de père inconnus. Mais aujourd’hui, c’est pour raconter le miracle d’une rencontre qu’elle sort de son silence. En 2009, Carolyn a retrouvé son père, un Noir américain de Louisiane, après cinquante ans de recherches.
En 1957, Moses Whitley est chauffeur au camp américain de Croix-Chapeau (en Charente-Maritime). Josyane (la mère de Carolyn) y est secrétaire bilingue. Elle est mariée et mère d’un petit garçon. Mais son ménage bat de l’aile.
Moses et Josyane s’installent à Châtelaillon. Elle donne naissance à leur premier petit garçon. Elle est de nouveau enceinte quand le soldat Moses doit repartir aux États-Unis le 19 février 1959. Il n’a pas réfléchi aux conséquences de ses actes.
Il a envoyé des colis, de l’argent pendant un an. Pour la mère, montrée du doigt pour cette liaison scandaleuse, c’est la descente aux enfers.
Dépression, prostitution… La petite Carolyn, âgée de 16 mois, et son frère sont placés dans une famille d’accueil à La Gripperie-Saint-Symphorien. L’enfance y est heureuse mais la jeune métis veut comprendre.
À 18 ans, Carolyn ne connaît même pas le nom de ses parents biologiques. Il ne lui faut pourtant que quelques mois pour retrouver sa mère. Elle n’avait pas de compte à me rendre. Moi, j’estimais qu’elle me devait la vérité.
C’est son frère qui découvre dans son dossier de l’armée que leur père est un certain Moses Whitley, né le 9 août 1934 en Louisiane. Malgré de nombreuses demandes auprès de l’administration, rien ne filtre. Le frère et la soeur finissent par abandonner.
Pendant plus de vingt-cinq ans, Carolyn trimballe son lourd secret. Mais la mort de son frère en 2008 l’oblige à se replonger dans son passé. Elle partage son histoire avec une amie, enfant de La Réunion et placée dans une famille d’accueil, comme elle.
Les deux femmes se comprennent et décident de surfer sur Internet. « Nous sommes tombés sur le nom de mon père, installé en Virginie. L’âge correspondait. »Qu’elle est la fille de Moses Whitley, donne des détails pour qu’il n’y ait aucun doute. Avant de passer à table, je suis allé à la boîte aux lettres. J’ai posé la lettre dans l’assiette de ma femme.
Moses Whitley lui avoue qu’il n’a jamais oublié ses enfants nés en France et exprime ses regrets. Engagé pendant trente ans dans les Marines, il a refait sa vie, a eu quatre enfants.
Lors de leur rencontre sur les quais de la gare de La Rochelle, Carolyn qui n’avait jamais vu cet homme impressionnant par sa taille (2 mètres) se jette dans ses bras en l’appelant «papa».
Cinq ans après cette rencontre inoubliable, cette jeune grand-mère a décidé de témoigner. Au nom de tous les enfants en quête de leurs origines. Et leur dire que parfois la vie finit par sourire.
Elle raconte son histoire avec toute la sagesse et la distance d’une résiliente. Mais elle reste en colère contre une administration qui n’a jamais voulu collaborer.
Aujourd’hui, je témoigne pour donner envie à d’autres de chercher leurs origines. Je ne suis pas un cas isolé. J’ai eu le bonheur de retrouver mon père.
Résumé art agnès lanoëlle de Sudouest